Flottaison de jours vides éperons d’âne
Crocodile couvant oeufs de boa
l’escalier du pain vers la honte ici mène
Amour phagocyte lait de loup 
La fleur tète un biberon de thermites
J’habite un soleil biffurqué
poignardé dans le dos 
un soleil en retard que la nuit piétine
De mon sang goutte de feu 
Les ciseaux de la mer coupent les cheveux du vent 
La terre purge mille éponges sur la mèche du soleil

Éternelle saison de rêves trafiqués
chevelures d’ombres sur la tête de l’aube
Morsures de vagues chansons de silex
Vents sans tambours 
mémoire d’érosion 
escale de cadenas à la hauteur du ciel
fourchettes de guêpes
mots fous soleil saignant dans la coupure des heures 
fleurs blessées
Gorge en doublure d’orages 
Boulevard de gâchettes 
j’habite un cri dans le vide

Me voici démenagé dans un ultimatum 
J’exige des mots à poings fermés
l’avortement des ombres 
L’ivresse de l’enfer ne doit point habiter 
la prière du vent

Qui donnera son coeur pour panser le 
cordon ombilical de demain
Les assassins ont mutilé 
la tige du jours
Pour multiplier la saison de hennissement  
Voici venir une couvaison d’épines 
dans le ventre ceinturons de feu
frottements de fragilité
Les assassins ont coupé l’herbe sous les pieds de l’amour
J’habite donc une épingle promesses d’alumettes entre la rage de deux pierres 
Non non non ne dites pas que je pleure 
J’ai juste le coeur qui saigne au coin 
de l’oeil

Qui a brandi ce coutelas sous la gorge de la terre hein qui a tiré sur le soleil

Pieds cassés épaules de mille tombes
Le soleil trébuche titube sur des touffes 
de rêves broyés
Les bougeons de l’âbime grimpent le coeur de l’homme
Mains ouvertes du vide et de l’inconnu
Cargaison de cerceuils 
élégies de canons généreux
Le cadavre du soleil habite le temps fou
un temps souper d’abîme
Le chat lapide l’avenir à coups—dit le poème– d’aboiements
Voici un temps aux aurores verrouillés 
corsage de déraisons 
racines folles Otages d’eau bouillante 
Et cette goutte d’enfer usurpant la rosée 
Se multiplie par scissiparité 
dans la main de l’hibicus pour glisser la mort dans l’oeil de l’étoile

Qui a blessé la mer d’un coup de sabre 
Qui a chaviré le jours tête en bas

Pourquoi l’amour a bu tant de gorgées 
de silence 
pacte de sang avec un pays 
qui s’effrite
J’habite un requiem de vautours 
Nos mains ont lontemps cassé les chaines 
Des têtes les ont recyclées à la glu 
Recyclage de fouets 
Recyclage de marteau de feu de plaie béante
Recyclage de honte 
La terre parle aux sources depuis l’oeil de l’escargot
J’habite le dernier grain de sable où dormira l’éléphant 
Pour interdire au soleil de brandir un drapeau blanc

Wogensky LAGUERRE