Ayant grandi dans une famille chrétienne, j’ai longtemps consacré ma vie à la religion et aux principes bibliques. Je croyais que c’était la meilleure façon de mener une vie sainte mais je ne faisais que me limiter en ce qui a trait à mon évolution sociale. Tout a basculé quand j’ai découvert que le pasteur de mon église trompait sa femme avec une de mes tantes. J’avais dix-sept ans quand j’ai décidé de ne plus mettre les pieds à cet endroit corrompu où les codes d’honneurs n’existent pas, où le respect pour l’autre n’est qu’un leurre, où l’amour ne représente quasiment rien aux yeux des fidèles, où l’amitié n’est qu’un prétexte pour manipuler les autres à sa guise.

Je me suis mise à me débarrasser des normes auxquelles je m’étais conformée depuis un certain temps, en l’occurrence, je n’hésitais pas à porter des jupes courtes, des décolletés et je me coiffais avec fortes originalités en ne négligeant aucunement les longues séances de maquillages. Les dogmes? C’en était fini car j’ai compris trop tard que ça empêche d’évoluer, de prendre du recul par rapport à la réalité afin d’aboutir à des déductions logiques. Quoi qu’il en soit, j’ai juré que je ne me laisserai plus jamais manipuler et même après des années, je reste abasourdie devant toute l’hypocrisie de la chrétienté.

C’est alors dans un night club que j’ai côtoyé Erick pour la première fois. Je me demande comment ne pas l’avoir rencontré plus tôt ? Il existe tellement de choses dans ce monde qui dépassent notre compréhension que je me demande finalement si nous autres êtres humains, sommes aussi intelligents qu’on puisse le croire, ainsi que ces formules absurdes dont je ne cessais de rabâcher mais qui ne sont que des broutilles apprises de ceux qui se font berner par leur imaginaire et qui, la plupart du temps s’inventent des idées communes pour supporter leur propre échec. L’homme est la mesure de toutes choses dit-on souvent, par contre, j’ai comme l’impression que ce sont les choses qui déterminent nos limites. Du coup, je me sens perdue entre deux mondes jusqu’à flotter dans le vide. Par-dessus tout, je suis un être errant qui cherche sa voie dans l’univers de deux hommes.

Impossible? Peut-être oui? Certainement non? Il est indéniable que ce sont toutes des expressions qui affirment et assument notre ignorance face à certains faits auxquels nous avons malheureusement le défaut de faire des mésinterprétations suivant ce qui échappe à notre entendement et sur lesquels on aurait pu éviter de spéculer. Très longtemps déjà, j’ai cru pouvoir m’échapper de ce cercle vicieux et surtout me libérer de cet état de choc mais j’étais constamment à la recherche d’émotions et de sensations fortes que j’ai finies par être prise dans mon propre piège. Dois-je être catégorique cependant ? Dans ce cas, j’avoue que ces hommes ont bigrement contribué à mon bonheur !

Il est évident qu’avec Erick, j’ai pu donner un sens à mon existence. Par ailleurs, un jour après m’avoir fait l’amour, on aurait dit que ce cordon qui nous relie s’était défailli pour se renforcer jusqu’à ses moindres recoins.

Ne me regarde pas comme ça. Tu vas finir par m’intimider lui dis-je.
– Il faut bien quelqu’un digne de ta personne pour admirer et percer le mystère de ce chef-d’œuvre que tu es.
– J’aime l’exagération de tes mots.
– J’adore tes caprices de fille gâtée.
– Franchement, tu devrais arrêter de me berner avec tes grands airs de poète raté, lançai-je avec une pointe d’ironie.
– Et toi, tu dois cesser d’être aussi dur avec moi.
– Tu ne comprendras jamais.
– Tu as raison. Je ne comprendrai jamais pourquoi je t’aime autant et ce qui fait que je vois le monde à travers tes beaux yeux me répond-t-il tendrement.

Se sentir partagé entre deux hommes est une expérience à la fois angoissante et merveilleuse. On se trouve en face de deux personnalités différentes qui nous amènent à aborder le bonheur de façons distinctes. L’un nous apporte ce dont en quoi l’autre semble être limité. La vie arbore les couleurs de l’arc-en-ciel et finalement on s’autorise à croire que l’ultime but de l’amour serait d’être libre d’aimer autant de personnes qu’on veut sans une morale qui nous dicte que nos sentiments doivent nécessairement s’abstenir à un seul individu. J’ai appris avec le temps que les ressentis vont bien au-delà de ce que la société s’acharne à nous faire comprendre, en d’autres termes, cela n’a jamais été un crime ni un péché de donner de l’amour aux autres et d’en recevoir.

La nuit, je rêve constamment de mes bien-aimés. Je me noie dans le berceau de leur innocence en ayant l’impression d’exploser de félicité. La vie? C’est apprendre à tourner les situations à son avantage et à s’y maintenir dans la mesure du possible. Je crois que chérir ces deux hommes me confère un certain pouvoir ; celui de garder l’équilibre. J’apprécie chez Erick ce côté romantique qui me fait fondre malgré ma sévérité. Grâce à lui, je me suis détachée de certaines routines. J’ai toujours détesté la constance et rien n’est plus lassant que de se sentir vieillir jusqu’au rythme de ses passions. Néanmoins avec Charles, mon amour des vieux temps, je peux tout partager, même mes secrets les plus intimes.

– Je sais pour l’autre gars, me fit-il savoir lors d’une conversation.

Vous aurez bientôt la suite de l’histoire.

Nephtalie Colas